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Mobilité à l’international : journal de bord d’une Française à Palo Alto

Chronique de Mado Bourgoin, Chief of Staff, VMware

De nombreux étudiants goûtent aux plaisirs des échanges Erasmus et apprécient la diversité culturelle. Un atout incontestable pour ceux d’entre eux qui seront tentés par une expérience professionnelle à l’étranger et dont la mobilité renforcera leur employabilité. Mais l’aventure n’est pas seulement le privilège des jeunes diplômés.

J’ai décidé de la vivre après plus de 20 ans d’expérience professionnelle en France en postulant pour le poste de « Chief of Staff » (directrice de cabinet) reportant au patron mondial des ventes et des services chez VMware à Palo Alto. Voici près de six mois que l’aventure a démarré et elle est déjà riche d’enseignements utiles pour qui s’apprête à franchir le pas de l’international.

Un équilibre à trouver entre excitation de la nouveauté et vie de famille

Il est primordial d’associer les membres de la famille qui vont vous accompagner dans l’aventure de la mobilité. Une telle expérience sera d’autant mieux vécue qu’elle est préparée et partagée. De la sérénité de votre famille dépend votre tranquillité d’esprit pour aborder vos nouvelles fonctions. Vous trouverez en elle un soutien de poids dans les moments de doute. L’excitation vous saisit dès votre arrivée et dure les deux premières semaines. Vous êtes accueillie avec le sourire. Tout est nouveau et dépaysant. L’épuisement se fait sentir en fin de journée. Il faut assimiler les noms des personnes que nous rencontrons, comprendre les missions qui nous incombent tout en menant une série de démarches administratives dans une langue qui n’est pas la nôtre. La crainte de passer à côté de quelque chose d’important est fréquente. Dès la maison trouvée, c’est le soulagement, l’impression d’avoir fait le plus dur sur le plan administratif et d’être enfin installée.

Le baptême du feu finit toujours par arriver

Troisième semaine, je vis mon premier moment de solitude quand mon patron me demande de lui préparer dans un délai extrêmement court les éléments qu’il présentera devant le CEO et son comité exécutif. Ce jour-là, j’ai réalisé la responsabilité et les enjeux de ma fonction. Au siège d’une entreprise internationale, quatre-vingt-dix pour cent du travail consiste à prendre des décisions rapidement. Le changement d’échelle de temps est flagrant. Pour faire face aux demandes urgentes – la grande majorité d’entre elles –, il faut trouver les ressources et de l’aide dans une organisation gigantesque et complexe.

À mon poste, chercher à tout réaliser soi-même s’apparente presque à une faute professionnelle, car nous sommes vite submergés. Ma capacité à déléguer est un métrique important. Pour obtenir ce que je cherche, je suis dépendante d’une organisation et de personnes sur lesquelles je n’ai aucun poids hiérarchique. Reste à trouver le juste équilibre entre le nécessaire jeu politique et mes valeurs personnelles. Apprendre à pondérer ses jugements en tenant compte du contexte culturel est également déterminant. Il m’a fallu décoder et composer avec la culture californienne. La majorité des nationalités représentées au siège adopte au fil du temps cette culture. J’ai fait de même sans renier ma propre culture pour constater que finalement les rapports humains n’en sont que plus agréables.

Le doute est à l’affût de la moindre défaillance

Il s’est manifesté vers la cinquième semaine. C’est une phase normale liée à l’accumulation de la fatigue nerveuse et à tous les obstacles administratifs qui parasitent l’esprit après une journée de travail. Même si j’en ai conscience, pendant deux à trois semaines les coups de blues succèdent à des moments d’enthousiasme. Je suis constamment sollicitée par des personnes qui pensent que je suis en poste depuis au moins six mois. Chaque demande prend des allures de problème. Avec le recul, j’en souris encore. C’est un véritable ascenseur émotionnel. Avoir sa famille pour passer le cap et s’accorder un peu de lâcher prise est essentiel. C’est à cette période que je me suis dit « arrête de te poser des questions » et que je suis rentrée dans la phase « courage, osons » en prenant à bras le corps des sujets de fond.

L’erreur, une étape salutaire

Après cinq mois, la confiance commençant à s’installer, je prends davantage d’initiatives. Vient alors l’erreur. Agir c’est prendre le risque de l’erreur et même si nous faisons tout pour l’éviter, nous y serons nécessairement confrontés. Ce premier faux pas a été pour moi une source d’apprentissage. Assumer son erreur c’est amorcer la recherche d’une solution qui dans mon cas a permis par la suite d’améliorer différents processus. L’erreur impardonnable consisterait à la masquer et à prendre le risque de conséquences bien plus graves.

Par définition, « chief of staff » est un job de l’ombre qui a pour mission de simplifier la vie de son patron. Si vous avez soif de reconnaissance, ce job n’est pas pour vous. C’est ailleurs que vous devez trouver la motivation ! Dans les défis à relever, dans la quête d’autonomie, dans l’expérience incomparable que nous acquérons dans un contexte international.

Au bout de six mois, aucun regret, le plaisir est aussi manifeste que l’envie d’apprendre. Chaque jour apporte son lot de nouvelles surprises que je prends comme autant de défis stimulants. Autre motivation et point positif : les Français jouissent d’une bonne image dans la Silicon Valley. Ce n’est pas par hasard que le mot entrepreneur est français. Si l’aventure vous tente, osez !

Article Original sur Les Echos

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