Nombreuses sont les entreprises françaises à s’être intéressées très tôt à la blockchain. Startups, mais aussi grands groupes ont lancé des POC (proof-of-concept) afin de tester la technologie, mais bien peu sont ceux à être passés en production. Un constat qui pourrait bientôt changer.
Au-delà du buzz médiatique créé par chaque fluctuation sur les cryptomonnaies, la blockchain présente de très nombreux cas d’usages extrêmement pertinents pour les entreprises. Quelques pionniers ont mis en production leur blockchain, mais beaucoup d’entreprises restent bloquées au stade de la maquette. Néanmoins, ces derniers mois, le secteur a gagné en maturité, tant avec la montée en puissance de prestataires spécialisés qu’avec l’arrivée sur le marché de solutions véritablement adaptées aux besoins des entreprises.
Des cas d’usage de la blockchain ont émergé dans tous les secteurs
A l’occasion d’un déjeuner-débat organisé par VMware à Paris, Alexandre Berthier, Business Solution Strategist chez VMware a classé les principaux cas d’usage de la blockchain en entreprise : « Parmi les 4 grandes catégories d’usages où la blockchain délivre tout son potentiel, l’Asset Tracking revient le plus fréquemment. Il s’agit de suivre des produits, des références dans une chaîne d’approvisionnement, que ce soit des pièces détachées dans la chaîne logistique d’un industriel ou de denrées périssables dans la grande distribution. » Illustration de ce cas d’usage, l’armateur danois Maersk a développé une application de suivi des containers et de leur contenu, sur la base d’une blockchain permettant de garder une trace de l’ensemble des mouvements d’un bien dans la supply chain. Outre la traçabilité, elle permet d’automatiser certaines actions comme le déclenchement de la facturation quand le bien passe d’un acteur à un autre. « l’assets transfer est l’autre grand usage de la blockchain. Il peut s’agir de transferts d’argent, de garder une trace d’un transfert de bien, d’un contrat ou même encore d’un asset digital comme un film ou de la musique. »
Le troisième cas d’usage identifié par Alexandre Berthier porte sur la dissémination des informations. « Nous avons développé un projet intéressant aux Etats-Unis pour effectuer ce que l’on nomme le « disease reporting ». Il s’agit de déclarations de maladies que doivent s’échanger les comtés aux Etats-Unis. Ces listes de malades sont détenues par de multiples entités, ce qui impliquait de nombreux traitements manuels et lents ; une blockchain permet de rassembler efficacement et de manière sécurisée l’ensemble de ces données en moins de 24h ou 48h comme l’exige la règlementation. »
La dernière grande catégorie d’application de la blockchain porte sur le contrôle de la véracité des informations (verifyable claims) comme la connaissance client, ou encore l’identification d’individus. Dans le secteur bancaire, la blockchain apparaît comme une solution particulièrement intéressante pour les projets de KYC (« Know Your Customer »), c’est-à-dire la centralisation des informations collectées par la banque sur son client afin de certifier son identité et partager ces informations entre différentes entités. En France, BNP Paribas l’expérimente pour ses KYC et, dans un autre secteur, le MIT certifie depuis cette année ses diplômes via une blockchain et un site où les recruteurs peuvent vérifier le CV des candidats.
Si la volonté est là, des freins perdurent
La maturité des entreprises françaises progresse vis-à-vis de ces cas d’usage de la blockchain, même si Claire Balva, experte de la blockchain et cofondatrice de Blockchain Partner le reconnaît, beaucoup d’entreprises se tournent vers elle sans véritablement avoir de vision précise. « Ce profil d’entreprises représente encore la majorité de nos missions, même si nous voyons de plus en plus arriver des entreprises qui ont déjà mené une réflexion sur la question. Celles-ci ont une idée assez précise de ce qu’elles souhaitent faire. Souvent, la majorité des cas d’usage sur lesquels elles travaillent sont des blockchains privées sur lesquelles elles vont garder le contrôle. »
L’experte souligne que plusieurs projets de blockchain ont désormais franchi le stade du POC et sont désormais en production comme c’est le cas de la blockchain de la Banque de France et de celle d’Axa. « 2 à 4 grands projets de blockchain sont en train d’arriver en production en France, mais c’est vrai qu’il est encore difficile d’évaluer quel sera leur retour sur investissement à ce stade. De ce fait, beaucoup d’entreprises sont encore réticentes à aller au-delà du POC, car se lancer en production reste encore un pari sur l’avenir. C’est sans doute le premier frein. »
Dans certains secteurs, dont l’assurance, les gains attendus sont tellement importants que le ROI est évident comme l’explique, Emmanuel Moyrand, président de Monuma : « Le secteur de l’assurance a aujourd’hui bien compris ce que la blockchain pouvait lui apporter. Le processus de gestion des sinistres est extrêmement long et coûteux, avec beaucoup d’acteurs amenés à intervenir à un stade ou un autre du processus. La blockchain peut permettre de fluidifier ce traitement des sinistres, avec des délais de plusieurs semaines ramenés à quelques dizaines de minutes seulement. » Les gains potentiels de la blockchain ont bien été compris par les grands acteurs de l’assurance tels qu’Allianz ou Axa qui ont lancé des projets, mais les petits acteurs rechignent toujours devant l’investissement initial à consentir et préfèrent attendre que les grands acteurs défrichent le sujet avant de se lancer à leur tour. Enfin, des freins juridiques peuvent encore entraver certaines initiatives, des freins que la loi PACTE devrait lever dans les 3 années à venir.
Projet Concord de VMware : des solutions blockchain adaptées aux exigences des entreprises
Outre ce manque de visibilité, quelques freins purement techniques perdurent. C’est notamment le cas du scaling de l’infrastructure à mettre en place et de ses capacités à tenir une charge qui sera amenée à croître dans le futur. Alexandre Berthier rappelle : « A titre de comparaison, Bitcoin fonctionne à 6 transactions/seconde alors que Visa doit traiter 2 000 transactions par seconde en temps ordinaire et peut monter à 24 000 transactions/seconde en pic. Toutes les entreprises n’auront pas à traiter 2 000 transactions/seconde, mais les technologies doivent répondre aux exigences business des entreprises. Sur la blockchain Bitcoin, le délai d’exécution d’une transaction est de 10 minutes, sur Ethereum, ce délai est 15 secondes. Pour une application d’entreprise, ces délais peuvent s’avérer énormes ! »
Face à ce constat, VMware a travaillé sur ces problématiques de performance et a lancé sa propre implémentation de la blockchain, le projet Concord. Pensée pour les besoins des entreprises, cette solution accélère d’un facteur 100 les performances d’Ethereum. « Nous avons travaillé sur le volet scalabilité » ajoute Alexandre Berthier. « Sur certaines blockchains, l’ajout de nouveaux nœuds a pour effet de dégrader la performance. Il est donc important de se soucier de la performance dans la durée lorsque l’entreprise accueille de nouveaux partenaires sur sa blockchain. » VMware a aussi travaillé sur la sécurité de la blockchain, notamment afin de s’assurer de l’opérabilité d’une blockchain même si un certain nombre de nœuds sont compromis par un attaquant, ou même éteints, un point capital pour une blockchain qui s’appuie sur la notion de consensus. Outre la performance et la scalabilité, il reste un point essentiel qui est l’exploitation d’une blockchain privée
Pour pouvoir passer une application Blockchain en production, il faut pouvoir s’appuyer une solution complète délivrant des fonctions d’auditabilité, de conformité mais aussi de recherche, d gestion opérationnelle des nœuds et des droits.
Donner aux métiers les moyens de rédiger leurs « smart contracts »
Autre frein à l’adoption de blockchain, l’une des caractéristiques techniques clés introduite par Ethereum, les « smart contracts ». Ces morceaux de code qui peuvent être exécutés sur une blockchain ont ouvert la voie à de nombreuses applications et à l’automatisation de nombreuses tâches, mais ils font aussi très peur aux entreprises qui souhaiteraient utiliser une blockchain publique. Alexandre Berthier souligne : « Ces smart contracts donnent de l’intelligence à une blockchain en définissant des règles métier pour conditionner des actions et réaliser des traitements. Mais une fois le contrat chargé dans la blockchain, plus rien ne peut l’empêcher de s’appliquer. S’il a un bug ou une faille de sécurité, plus rien ne peut l’arrêter. En 2016, l’un des plus gros hack d’Ethereum, celui du projet The DAO a permis un piratage estimé à 50 millions de dollars. Seul un fork d’Ethereum a permis de limiter les dégâts. » Ce type d’erreurs de programmation fait peur aux entreprises et bride leurs ambitions en termes de création de Smart Contracts. Fort de ce constat, VMware s’est penché sur la question et propose aujourd’hui un outil de pré-validation d’un Smart Contract, afin de lever tout doute quant à la présence de failles avant le charger effectivement dans une blockchain. De même, l’éditeur travaille sur la génération automatique de Smart Contracts à partir d’un vocabulaire métier et non plus un langage informatique.
La blockchain bientôt un composant du SI comme un autre
Face à ce manque de maturité technique, Eric Marin, CTO de VMware France rappelle les dernières annonces réalisées par l’éditeur lors de VMworld : « Nous avons clairement expliqué lors de la dernière édition de VMworld que nous souhaitons aider les entreprises à implémenter des blockchains privées. Il reste encore des barrières technologiques notamment en termes de transparence, de sécurité et quant à la façon d’opérer une blockchain dans la durée. Il s’agit de problématiques auxquelles font face les entreprises sur toutes leurs applications et c’est dans ce but que nous avons mené notre propre implémentation de la blockchain, mais aussi d’outils qui vont aider les entreprises à opérer une blockchain. Notre volonté est bien d’aider les entreprises à passer du pilote à la mise en production. » Le CTO ajoute : « La mission de VMware est de fournir une infrastructure digitale à nos clients que ce soit dans les datacenters, dans le Cloud. La blockchain vient ajouter une notion de confiance à ces infrastructures. Notre cœur de métier reste la gestion de systèmes distribués, nous estimons qu’en proposant cette approche infrastructure, nous allons aider nos clients à passer de projets pilotes et qui restent bien souvent bloqués à ce stade, à une mise en production de leurs projets blockchain. »
En tant qu’acteur majeur des solutions de gestion d’infrastructure IT, VMware estime que la blockchain sera partie prenante des systèmes d’information des entreprises à court et moyen termes. L’éditeur dispose désormais des outils logiciels pour aider les entreprises à intégrer cette nouvelle classe d’applications, tant dans leurs architectures informatiques que dans leurs process opérationnels.